André Duprat poète publié chez plusieurs éditeurs, reste fidèle à La Grappe pour lui confier ses inédits.
LA PARTANCE REVENUE
Partir certes
Mais repartir
Repartir du bon pied
Encore faut-il la moelle
Au propre comme au figuré
Partir certes
Mais repartir
Encore faut-il un quai
Et un train à point d’heure
Pour s’éprendre d’une ligne du dedans
Destination : qui-vive…
Partir pour partir
N’est-ce pas un défi
Advenu avant terme
Partir pour partir
N’est-ce pas une lubie
Activée par un manque
Partir pour partir
N’est-ce pas un vertige
Annoncé sur un plan
Partir pour partir
N’est-ce pas un détour
Avancé pour la route
Partir au premier acte
Revenir au second
Comme une pièce attachée
Au moteur d’origine
Partir chemise ouverte
Revenir en cravate
Et voir dans ce retour
Les effets prolongés
D’une distance soumise
A une volonté propre
Et moi je suis parti
L’émoi en bandoulière
Revenant sans le pas
Mais avec un chemin
Le départ d’un partir me revenant
Comme un fantôme à sa lessive
Un haut-le-cœur magistral
Une hésitation suffocante
Une aigreur insoumise
Aussi un aller-retour
Un peu bègue aux arrêts
Le départ d’un partir me revenant
Comme un bagage perdu
Larmes et mouchoir compris
Est-ce pour autant un destin promis
Est-ce pour autant un destin promu
Ou n’est-ce qu’un mirage
Puits de l’eau à la bouche
Où es-tu partie
Tu es encore dans la lune
Tu voyages hors sol
Comme accaparée du dedans
Ton apesanteur nous pèse
Fardeau sans voix ni choix
Tu n’es plus présence précise
Voire encore moins regardante
Tu respires l’ailleurs
Auquel je ne crois pas
Tu demeures reposée
Comme l’interrogation soumise
Où es-tu présente
Comme tu ne vibres plus avec nous
Où, où, où… Maman
Partir
Dans le sifflement d’un train de nuit
Et ne descendre qu’après un sommeil pauvre
Dans une gare qui se présente
Par l’accent d’une annonce
Les pieds dans les mégots
Avaler le café d’amertume
Comme on joue l’avenir au fond d’une tasse
Et entendre nom et prénom déposés sur l’épaule
Dans l’amorce d’un recul
Et savoir que la liberté
Poursuit son chemin de faire
Sans crier gare
Partir
Dans les cendres accélérées
Du soupir ultime
Que la main d’amour dispersera
Dans la nuit d’étang
Et passer de rus en ruisseaux
De rivières en fleuve d’océan
Et revenir dans la nano particule
D’une goutte de pluie d’orage
Ainsi ira l’éternité d’un terre-à-terre
Il y a partir et partir
Mais ceux qui partent pour survivre
Donnent du courage au mot partir
Ainsi mon frère le réfugié
Socle de sable entre deux balles
Ainsi ma sœur la réfugiée
Salve de fleurs entre deux bombes
Il y a partir et partir
Mais si erre l’être en partance
Sa cause au fond est entendue
Saint-Junien le 7/10/2015