Sylvia Pawlowski-Mathis, accompagne avec amitié de sa poésie grave les pages des dossiers de La Grappe.
OLGA
Elle était méconnue, minimisée, passée sous silence…
Elle est arrivée comme la vermine, contagieuse, envahissante, omniprésente et meurtrière.
Elle était habile, méticuleuse, ravageuse et orchestrée.
Elle a pris son pouvoir d’une main malfaisante, dans une volonté de tuer.
Rationnés, appauvris, pillés, exterminés par elle, des millions de morts…
Son nom, Holodomor.
Famine reconnue génocide par l’Ukraine en 2006 et crime contre l’Humanité par le Parlement européen en 2008. Elle a sévi en Ukraine de 1931 à 1932 et ne fut pas uniquement économique ou climatique comme celle de 1922 mais une famine organisée et politique destinée à nuire aux paysans récalcitrants à la campagne des collectes. Aucune fuite possible, courriers et appels à l’aide censurés.
Adieux les belles saisons, leurs lueurs et leurs floraisons,
Adieux la douceur, l’innocence et les jeux d’antan.
1938
Te voilà Olga, 18 ans à peine,
Poussée par ta détresse, un élan de survie,
Un jour tu as quitté l’Ukraine, ta famille et ta patrie.
Tu étais volontaire dit-on !
Partie, quittant ces vastes terres
Vers ta nouvelle destination
Tu as traversé la frontière
Pour une vie nouvelle
Quittant toute cette misère
L’Allemagne, ton nouvel horizon.
Tu fus placée dans ce village
Chez un homme veuf et son enfant
Munie de quelques bagages, de ta jeunesse, et de tes grandes illusions.
Nous n’avons pas tes états d’âme
Personne n’a pu les rapporter
Quelques lettres, quelques témoignages, des bribes çà et là glanées.
Ton accalmie fut éphémère
Dans cette ferme où tu logeais
Tu as vécu un nouveau drame
Lorsque la guerre a éclaté.
Je ressens bien au fond de mes entrailles
La souffrance dont tu as fait l’objet
Je ne connais pas les circonstances,
Ce que tu as vécu, ce qui s’est réellement passé…
Mais les tiens n’ont plus eu de nouvelles
Lorsque de ton ventre ton fils est né.
Je comprends bien Olga tout ton silence
L’enfant que tu as dû laisser
Ton départ après la guerre
Un nouveau pays, une nouvelle envolée.
Ne t’inquiète plus Olga
Même si loin, même si longtemps après
Même un continent plus loin,
Même un océan traversé
Ne t’inquiète plus Olga
Ton fils t’a retrouvée.
Tu sais Olga, n’aie plus de peine
Mon père m’a déjà tout raconté
Je porte en moi ton ADN
Ta famille nous l’avons retrouvée
Tu sais
Ta fuite, ton départ n’a fait que nous rapprocher.
Olga, ton nom me rappelle et m’interpelle
Olga, ton nom est en moi
De ton nom je m’appelle…
Sylvia, Olga, Helena PAWLOWSKI-MATHIS