Tous les articles par Jean-Jacques Guéant

Bleau en Poésie 2024

Voici la mosaïque de notre rencontre de Bleau en Poésie autour du thème des La grâce retenu par le Printemps des Poètes 2024.

Amis Randonneuses, Amies Grimpeuses !

Amis Grimpeurs, Amis Randonneurs !

Amis en général et Amis particuliers

Vous qui foulez les sables de cette forêt d’exception depuis tant d’années, ses sables siliceux ses sables silencieux

vous qui gravissez sans dévisser les rochers de grès, vous qui escaladez sans déraper les fameux calmes blocs obscurs du fameux Père Mallarmé…

vous qui rituellement varappez toute l’année sous le soleil, le vent et parfois hélas sous des pluies dévastant votre moral vacillant

soyez bienvenus pour notre 15 ème rencontre en Poésie dans ce massif de Fontainebleau royaume des amoureux de la nature.

Alors n’oublions pas que nous sommes à Barbizon au cœur du conflit historique et mémorable du 19ème siècle qui opposait les artistes peintres aux aveugles gestionnaires des arbres… Corot, Millet, Diaz, T. Rousseau, Cézanne, protecteurs de la nature face au massacre d’arbres innocents, massacre d’arbres autorisés sous la cognée des bûcherons… ! c’est la célèbre pétition du Comité de protection artistique de 1872 avec G. Sand qui s’écrie :

En attendant que l’humanité s’éclaire et se ravise, gardons nos forêts, respectons nos grands arbres, et, s’il faut que ce soit au nom de l’art…

Rendons-lui grâce, grâce à sa tribune écologique, n’oublions pas que c’est la première tribune écologique écrite par une femme ! Célébrons la rencontre des artistes avec le combat de la protection de la nature, avec les pionniers d’une écologie si lente à venir.. .

Bleau en Poésie 2023

Voici la mosaïque de notre rencontre de Bleau en Poésie autour du thème des Frontières retenu par le Printemps des Poètes 2023.

Oui, la poésie enjambe les Frontières…
Alors que l’an passé de brutales bourrasques arrachaient les poèmes de nos mains, ce 19ème Rdv de Bleau en Poésie nous a rassemblés pour célébrer le Printemps des poètes avec une vingtaine de fervents participants dont les anoraks et les parapluies furent soumis à rude épreuve par les intempéries…
Nos poèmes ont été déclamés au cœur des Trois Pignons, composant pour ainsi dire un bouquet au pied d’une des 25 bosses réputées du massif, celle où se dresse la croix élancée en hommage aux résistants du réseau Publican de la dernière guerre.
Troublante coïncidence ? L’un d’entre nous a lu un hommage à un résistant méconnu, « Adolfo Kaminsky », 98 ans, disparu au mois de janvier : un résistant de l’ombre, de toutes les résistances pendant et après-guerre. Malgré la pluie, son auto-portrait, posé sur un bloc de grès, semblait nous fixer et nous interroger de ses grands yeux ouverts.
Il faut dire que le portrait photographique de ce résistant exceptionnel, qu’il a mis en scène en 1948 en Forêt de Fontainebleau dans un paysage de carrière, est une puissante allusion à la déportation. Comme si, miraculé du camp de Drancy, le jeune Adolfo de 23 ans, était venu se ressourcer entre sable et bruyères calcinées, sur un wagonnet Decauville, tout près de la fameuse croix des résistants, et rendre ainsi un hommage muet à tous les membres du réseau morts en déportation.  

Salon du livre et des vieux papiers 2023

La GRAPPE a tenu un stand du 21 au 22 janvier 2023

Elle s’est fait « croquée » par l’illustrateur melunais Michel Saintillan fin connaisseur du monde alpin et des alpinistes… ! Avec lui la montagne devient accessible à tout lecteur de La Grappe muni ou non de cordes, de piolets, acceptant de prendre un peu de hauteur dans notre monde confiné et déprimé…

Oui, il faut mériter La Grappe, sans moyens mécaniques, à la seule force des poignets et de la passion partagée entre littérature et poésie : les cordées intrépides sont accueillies à un stand juché à 2000 mètres d’altitude sur une terrasse au cœur de la biodiversité alpine… Elles sont alors récompensées par la remise d’un numéro de La Grappe, gratuit, aux pages givrées par le froid de la nuit.… !

Fascinés par la « hauteur de vue de la revue », ses lecteurs peuvent alors redescendre en lisant, en oubliant parfois de regarder leurs pieds… mais en sécurité dans les traces de « La voie de La Grappe« . Car en lisant, en écrivant avec La Grappe nul ne peut craindre la chute, la solitude ou le vertige des grands espaces…

Bleau en Poésie 2022

Voici la mosaïque de notre rencontre de Bleau en Poésie autour du thème l’ÉPHÉMÈRE retenu par le Printemps des Poètes 2022.

Nous étions 20 ou 30 – c’est la chanson « brigands dans une bande« , à nous réunir malgré les risques climatiques et pandémiques, sur la platière autour d’une belle mare : aussi romantique que le « Lac » de Lamartine… et vite baptisée Lac de la Poésie !

Hélas trois fois : une abominable météo nous réserva un accueil glacial, avec de violentes rafales de vent qui nous courbaient la tête, arrachant nos poèmes des mains pour les précipiter sans remord dans le Lac de la Poésie. Nous avons donc combattu et refusé la mort par noyade de la Poésie Éphémère…!!!

Ci-après un extrait de l’ouverturede cette rencontre à deux voix, avec une invitation finale à tous plonger dans le lac de la Poésie...!!! Car la Poésie est invincible….

Oui la poésie est un combat vital !
Refusons l’homme augmenté, robotomisé ! respirons librement
pour nous arracher à l’agitation du monde, du bruit et de la fureur
pour renouer avec le feu de l’existence, dire la joie qui surmonte la défaite
Oui nul privilège, tous capables de poésie, en nous, autour de nous,
pour nous relier

Pour habiter poétiquement le monde, écouter ses pulsations, ses sources profondes
qui nous questionnent, nous emportent, nous inondent
plongeons dans le lac de la poésie… place au bonheur partagé
Captons lentement l’éphémère

Oui la Poésie est INVINCIBLE …. !

Ajoutons le beau poème d’Orianne Papin publié dans L’éphémère 88 plaisirs fugaces éditions Bruno Doucey, anthologie Printemps des Poètes 2022 : A changer si souvent …

A changer si souvent
de pointure
et de dents
nous le savions
enfants ce que c’est
d’être éphémères.

On s’écrivait
partout
sur les mains
croyant
à l’envers
par ce geste
nous rendre indélébiles.

Quand la vraie vie
n’était pas tout à fait
comme on l’aurait voulu
après coup
on avait cette parole formidable :
c’était pour du beurre.

Extraits vidéo : lutte pour sauver nos « poèmes éphémères » de la noyade

Bleau en Poésie 2021

Rencontre et lectures

Voici la mosaïque de notre 15ème rencontre de Bleau en Poésie.
Cette frémissante rencontre tant attendue depuis 25 mois est survenue à Corne-Biche ce samedi 29 mai sous un soleil complice. Pas de doute c’était « Un printemps nommé Désir » un merveilleux printemps qui nous a récompensés de notre patience, de notre désir de partager sans masque ses ondes réchauffantes…
Grâce il faut le dire à un auditoire attentif, exigeant des rythmes poétiques intenses, des textes désirables et accueillant avec ferveur des voix éclatantes, chuchotantes ou chantant à cappella des airs souverains…
Mémorable, un désir de renaissance nous a tous saisis sous les frondaisons de la plaine de Chanfroy.

Bleau en Poésie 2021 : Samedi 29 mai à 13h

2019 : nous avons eu rendez-vous avec La Beauté pour Bleau en Poésie un « Beau » rendez vous festif à la Croix du Calvaire avec la visite bienveillante de deux cavaliers de l’ONF ravis d’entendre des poèmes qui louaient la Beauté des arbres et des forêts… !

2020 Nous avons préparé un Bleau en Poésie pour le Printemps des Poètes à Fontainebleau avec le thème du Courage et Anna Akhmatova qui écrivait à l’hiver 1942 : Nos horloges sonnent l’heure du courage... Hélas la Covid19 est passée par là

2021 Nous avons préparé un Bleau en Poésie pour le Printemps des Poètes à Fontainebleau avec le thème du Désir et une nouvelle affiche bichonnée :

Bleau en Poésie 2021
Affiche bleau en Poésie 2021

Je suis mort parce que je n’ai pas de désir
Je n’ai pas de désir parce que je crois posséder
J’essaie de donner mais je vois que je n’ai rien
N’ayant rien j’essaie alors de me donner
Essayant de me donner je vois que je ne suis rien
Voyant que je ne suis rien je désire devenir
Désirant devenir … Je vis.

(d’après René Daumal, Les dernières paroles du poète)

Je désire ce que je ne désire pas, et renonce à ce que je ne possède pas.
Je ne peux être ni rien, ni tout : je suis la passerelle jetée entre ce que je ne peux ni avoir, ni vouloir.

Fernando Pessoa Le Livre de L’intranquillité

Inauguration de la sculpture d’Oscar Milosz à Fontainebleau

Un lumineux et solennel dévoilement à Fontainebleau…!

La statue du poète dévoilée par Frédéric Valletoux, Maire de Fontainebleau

La sculpture représentant le poète Oscar Milosz a enfin trouvé son écrin au sein du Jardin des arts de la Charité royale, nouvel espace culturel de Fontainebleau avec sa médiathèque rénovée.

Après des années de discussions et de négociations l’œuvre de l’artiste lituanien Klaudijus Pūdymas, a pu franchir les 2000 km qui séparent la Lituanie de la France, et s’exposer aux regards admiratifs des personnes présentes ce dimanche ensoleillé.

Klaudijus Pūdymas et son œuvre

La statue de bronze a été offerte à la Ville par l’association Les Amis de Milosz et un collectif de donateurs. Plus d’excuse désormais pour ignorer Oscar Milosz ce grand poète de langue française, qui fut le premier représentant de la Lituanie en France (à ne pas confondre avec son cousin Ceslaw Milosz prix Nobel de littérature en 1980). Il faut aller rendre visite à sa superbe statue qui rend hommage à l’ami des oiseaux. Son visage semble guetter leur vol onduleux, lui qui les nourrissait pour les approcher :
« Ce fut aussi la dernière proximité de Milosz avec l’ingénue beauté de l’univers » (La Grappe – 1995). Oscar Milosz est décédé à Fontainebleau il y a quatre-vingt ans, en 1939.

On peut consulter des ouvrages sur Milosz à deux pas de sa statue, à la médiathèque rénovée, et ses poèmes sur Wikisource.

Un livre, Une Commune

Rencontre et lectures


Vendredi 12 avril 2019, les auteurs-lecteurs de La Grappe ont rencontré le public de l’association : Un livre, Une commune de Cesson (77) réuni pour une présentation de livres par la librairie Vaux Livres, des séquences musicales avec un chanteur et un guitariste, puis une lecture d’extraits de textes du numéro 96 de La Grappe.



Titre : Sous les pavés, La Grappe ! Montage des textes : Dominique Laronde.

Bleau en Poésie 2019

Rencontre et lectures

Voici la mosaïque de notre 14ème rencontre de Bleau en Poésie. Un super « Salon de Beauté » nous attendait en Forêt de Fontainebleau à deux pas de la Croix du Calvaire. Depuis la Croix d’Augas un « beau » sentier balisé nous conduisait sur la platière de la forêt, nous permettant d’avancer sans souci des épines, au rythme d’un « Beau » visage dessiné de main sûre par le grand « Enki Bilal » et grâce à la ténacité sans faille de Philippe ! Le soleil a brillé avec ardeur sur notre Salon de toute Beauté où s’est retrouvée une assemblée très attentive. Deux heures durant un bouquet de poèmes variés et variables a semé ses pétales parmi l’assistance pétrifiée d’admiration : 42 textes ont été lus, déclamés, applaudis, acclamés pour ne pas dire portés à très haute valeur poétique !
Le salon de Beauté a au total attiré près d’une trentaine de participants très actifs.
C’est cet attrait qui a décidé deux cavaliers de l’ONF, et leurs montures, à venir écouter les poèmes qui louaient en fin d’après-midi la Beauté des arbres et de la forêt … 
Ce fut le couronnement imprévu mais mérité de ce 14 ème rendez-vous de Bleau en Poésie !!!

L’heure de la lecture N°3

L’heure de la Lecture est une émission littéraire enregistrée en public
une fois par trimestre à la Médiathèque de Melun : L’Astrolabe.
Son organisateur et animateur Denis Malanda en assure la réalisation
en faisant alterner présentations d’auteurs, écrivains ou éditeurs avec
des lectures de comédiens.
L’heure de la Lecture N°3 a été enregistrée le 17 juin 2017 avec la participation
de la revue La Grappe et du romancier Guy Alexandre Sounda.

Bleau en Poésie 2018

Rencontre et lectures

Voici la mosaïque de notre 13ème rencontre de Bleau en Poésie dans une clairière secrète
et ensoleillée du site de « La Canche aux Merciers ».
Cette rencontre « Poétique » a rassemblé de multiples « Ardeurs » avec notamment des poèmes lus à deux voix en français/arabe et français /suédois, sans oublier de rendre hommage à #Metoo.. !!!

Lisons, écrivons, vivons en poésie
fuyons les esprits douaniers… !
Telle est notre ardente devise !

Oui lire, écrire, vivre en poésie, c’est notre devise !

Pourquoi ?
Si on ne lit pas on s’enlise
Si on n’écrit pas notre mémoire s’ratatine
Si on ne vit pas en poésie notre cerveau finira artichaut

Et pour finir en beauté :
Une superbe vidéo de 13″ sur la fameuse grimpeuse Stéphanie Bodet dont Franck
nous a lu un texte :

et l’émission de France-Culture sur son livre : A la Verticale de soi

Bienvenue à Bleau en Poésie 2017 !

À toutes et à tous…
Bienvenue à Bleau en Poésie !

Et tout de suite nos félicitations, oui nos félicitations les plus sincères pour avoir atteint, sans vous perdre, amis présents, amis fidèles cette clairière tenue secrète jusqu’au denier moment… !
Encore bravo pour votre courage, votre ténacité, votre bravitude  ! En effet si vous êtes là parmi nous, c’est que ce RdV vous importe, vous transporte et oui jusqu’à nous pour ce 13ème rendez-vous à Bleau !

Et nous, pauvres, simples, très simples instigateurs de cette rencontre nous sommes là devant vous – nus et sans défense – perpétuant désormais avec vous ce rituel annuel
pour :
– Partager nos émotions printanières !
– Ouvrir ensemble la canopée de la poésie !…

avec :
– Ces blocs de grès pour témoins
– Ces sentiers de sable étincelant
– Ces landes de bruyère frémissante
… et le vent frais du matin qui souffle au sommet des grands pins !

Toutefois il ne faut pas croire que cette secrète clairière symbolise un rendez-vous de secte suspecte … Non ! notre rendez-vous n’est pas élitiste !
Non ! Bleau en Poésie n’est pas réservé aux versificateurs qui passent à vue du 8b+
pas plus d’ailleurs qu’aux rimailleurs du dimanche…
Affirmons le haut et fort car… il plane « grave » dans les réseaux sociaux un doute persistant, une ombre malfaisante :
Choisir le 22 avril la veille d’une élection présidentielle n’est-ce pas booster l’abstention ? Nourrir l’indifférence ? « Désespérer » Billancourt en quelque sorte ?
Et plus encore en proposant les Afriques pour thème n’est-ce pas ourdir une provocation funeste?

Et bien non ! Nous avons fait le pari que seule la poésie peut nous rassembler, reconnecter notre espèce en pièces… reboiser l’âme humaine …
nous mobiliser encore et toujours, avec la voix, les mots, les sons, les corps…

Oui nous voulons clamer nos poèmes !
Oui nous voulons nous joindre aux palabres Africaines !
Pour ce 13ème rendez-vous à Bleau en Poésie
Rien n’est trop Bleau, nous voulons dire rien n’est trop Beau ! Oui trop Beau !

Soyons dignes de nos ancêtres et de leurs gravures rupestres
Randonneurs, arpenteurs, grimpeurs, escaladeurs : tous unis ! Oui unis !
Et soyons dignes de nos rêves… !

Je déclare la séance ouverte !!!

NOIR ET BLANC

de Jean-Pierre Tanguy

J’aime pas le blanc
Le blanc à fric
Pilleur brutal
J’aime pas le noir non plus
Le noir corrompu
Dictateur fatal
Dilapidant l’Afrique
Ce continent sauvage
Qu’ils se partagent
Sans ambages
Cimetière des éléphants
Dans peu de temps.

Du rythme tribal
Et d’esclave descendu
Le jazz s’est répandu
Militant musical
Contre la haine raciale
Mais chez nous aussi, sans raison
L’Africain est certain
Qu’on le discrimine
Sans façon
Et peut-être pire demain.

Pourtant au fond des mines
Assommoir sans espoir
Dans la moiteur de dangereux et ténébreux boyaux
Sous le joug capital de puissants maîtres
Toutes les gueules sont noires
Même les blanches de peau
Et nôtre lointain
Universel ancêtre
Est Africain.

Petites nouvelles du front qui plisse mais ne rompt pas

Andreï Balandine, graphiste, peintre, né en 1968 à Ekaterinbourg dans l’Oural en Russie, a suivi les cours de l’école supérieure des Beaux Arts, a présenté différentes expositions en Russie, notamment à Moscou.
Invité en France en 1991 dans le cadre du Festival du Verbe et de la Création au Mée-sur-Seine (77350), il a rencontré Théophile. Ils ont commis à deux un livre : Petites nouvelles du front qui plisse mais ne rompt pas (textes de Théophile, dessins d’Andreï Balandine).Cette œuvre  sera éditée par le CRAC.
Théophile, (né en RDA pendant la deuxième guerre mondiale, sa mère ukrainienne était internée par les allemands dans un camp de travail russe où elle a rencontré son père réfugié espagnol déporté par les français), était considéré comme le chansonnier freak de l’amer et du marginalisme. Il avait obtenu le prix de l’humour noir.
Petites nouvelles du front qui plisse mais ne rompt pas, CRAC éditeur – Centre de Recherche Culturelle et Artistique – 4 Seauve, 23700 Arfeuille Châtain. Chèque de 20 € à l’ordre du CRAC.

Proverbe russe : C’est en fonctionnant qu’on devient fonctionnaire. C’est en militant qu’on devient militaire et c’est en résistant qu’on finit ver de terre

La bonne parole du Curé MESLIER

Monologue théâtral de Jean-François Jacobs
Edition ADEN, 70 p, Bruxelles 2016, 10 €
.

Un curé athée philosophe
et révolutionnaire au 17ème siècle !

Voici un délicieux petit livre qui nous rapproche du fameux Curé d’Étrépigny,
un petit village des Ardennes de 400 paroissiens, près de Charleville, qui n’est certes pas le plus beau village de France, mais toutefois considéré comme : “le berceau de l’athéisme de France” grâce à son valeureux curé …

Intrigant n’est-ce-pas ce bizarre personnage glorieusement inconnu au bataillon des hommes célèbres du … 17ème siècle !
Eh oui le bonhomme est bien né le 15 juin 1664 au cœur des Ardennes. A quelques kilomètres du village d’Étrépigny où il mourra à l’âge de 65 ans après avoir officié pendant quarante années dans sa paroisse. Pas mal non ?

Mais comment croire qu’un petit curé de Champagne si longtemps enraciné dans sa cure campagnarde soit désormais considéré comme un « prophète de la révolution » (A. Soboul 1971) ou comme un « communiste athée de presbytère » (J.P. Deschepper 1971) en raison de son testament rédigé en secret et resté soigneusement oublié ?

Curé Janus ?

Est-il possible d’avoir une telle double vie ? Ce qui nous ébahit aujourd’hui !
Comment faisait-il pour officier le jour et, la nuit, laisser cours à son athéisme radical, son anticléricalisme militant ? Et finalement laisser à la postérité un Mémoire, et quel mémoire :
Un monstre de plus de milles pages manuscrites à la plume d’oie (…) une bombe philosophique d’après notre grand philosophe contemporain : Michel Onfray dans sa Contre-Histoire de la philosophie parue en 2008.
Donc un vrai et grand mystère qui passionne toujours plus chercheurs et curieux de l’histoire des idées…!

Bien entendu ni vous ni moi n’imaginons aujourd’hui pouvoir « brûler sur un bûcher » si on s’affiche athée, mais du temps de Jean Meslier l’affaire était brûlante si j’ose dire. Un athée a bien été brûlé à Reims dans son archevêché à cette période, et plus tard en 1766 le Chevalier de la Barre a été supplicié et brûlé pour bien moins que cela précise Serge Deruette professeur d’Histoire des idées en Belgique dans la préface de La bonne parole du Curé MESLIER.

En fait le monologue théâtral de J.F. Jacobs propose une mise en scène en 3 actes (12 scènes) lors de sa création au Théâtre-Poème de Bruxelles en mars 2016, et d’autre part sa préface par Serge Deruette donne un condensé habile du copieux Mémoire du curé dont la lecture est longuette il faut bien l’avouer.

Révolutionnaire avant 1789 et 1917 ?

La saga du fameux Mémoire est aussi incroyable et savoureuse que celle de son auteur si longtemps méconnu. En effet il a failli disparaître totalement de la circulation. Trois des quatre manuscrits conservés à la BNF ont d’abord voyagé clandestinement avant d’être authentifiés.
On doit d’abord à Voltaire la connaissance d’un abrégé du mémoire en 1762, qui l’ampute carrément et le trahit en écartant prudemment les passages montrant la pensée matérialiste et athée du curé d’Étrépigny, le présentant même comme un déiste suppliant Dieu ! Eh oui Voltaire s’est mouillé avec l’affaire du Chevalier de la Barre, mais il y a parfois des limites…

La saga du mémoire

Le Mémoire disparaît alors pendant un siècle (!) et réapparaît grâce à un hollandais dans une édition complète en 1864. Nouvelle éclipse du Mémoire avant sa traduction intégrale en russe en 1924 qui est à l’origine, tenez-vous bien car vous ne voudrez pas me croire : de l’inscription de Meslier en 1919, par les bolcheviques, en 7ème place sur L’obélisque des penseurs socialistes à Moscou dans le jardin Alexandrovski… !
Ah si DADA ou les surréaliste avaient été tenus informés à cette époque ! Vous imaginez les poèmes fulgurants à la gloire du singulier curé !

Obélisque des penseurs socialistes où figure Meslier en 7e place, dans le jardin Alexandrovski, à Moscou.

Pendant ce temps là en France, il faudra attendre l’ouvrage capital de Maurice Dommanget, en 1965, au titre évocateur :
Le curé Meslier, athée, communiste et révolutionnaire sous Louis XIV
et préfacé par Marc Blondel libre-penseur.
J’ai lu l’ouvrage en bibliothèque, passionnant mais trop copieux. Le Mémoire est désormais disponible en ligne (merci internet).

Un cureton qui ne manque pas de sel !

Avouons la grande séduction qu’exerce ce petit curé de campagne qui, à plus de trois siècles d’écart, fait ressentir dans son Mémoire par ses mots et sa plume d’oie le poids formidable, terrible, écrasant, de l’absolutisme politique et religieux de son temps.
Son testament qui rime avec bombe à retardement vient donc éclater jusqu’à nous. Et presque tout le monde de nos jours y trouve un improbable ancêtre de nos espoirs socio-politiques plus ou moins en berne.

Pour certains le curé n’y va pas avec le dos de la cuillère en écrivant :
Que tous les Grands de la terre et que tous les nobles fussent pendus avec les boyaux des prêtres ! une formule hardie qui inspirera des candidats à la politique du 20ème ou 21ème siècle !
D’autres voient encore dans le Curé Meslier un des fondateurs de la modernité radicale, tandis que d’aucuns ne voient qu’un utopiste traditionnel qui relève du communisme agraire et de l’égalitarisme paysan. Soit plus un prophète de la révolution qu’un pur révolutionnaire (A. Soboul 1971).

De nos jours, le PCF des Ardennes présente à la « Fête de l’Huma » une exposition sur le curé communiste et révolutionnaire, et dans « Le Monde Libertaire » beaucoup trouvent que des curés comme Meslier, “ ça mérite le détour “.
Ou bien : “Le radicalisme de Meslier annonce avec pas mal de longueurs d’avance les discours anarchistes sur la liberté, la propriété, l’action révolutionnaire… et l’internationalisme. «Unissez-vous donc, peuples !», lance Meslier d’outre-tombe. Venant d’un cureton, ça ne manque pas de sel ”.

Jean Meslier curé qui défend ses ouailles contre le hobereau local ? Révolté ? Indigné ? Athée utopiste ? Penseur socialiste ? Communiste ? Révolutionnaire ? Prophète ?
Lequel préférez-vous ?
Avant de vous décider allez rendre visite à son village, et empruntez en 2017 lors de son 353ème anniversaire, le « Chemin du curé Meslier » qui relie Étrepigny à Balaives : 5 kilomètres entre sources et collines boisées…
Vous ne serez pas loin de Boulzicourt où est né le poète du « Grand Jeu» René Daumal, et vous pourrez même apercevoir le petit village de Boutancourt où passe la «Route Rimbaud Verlaine».
Je vous le dis : Étrépigny, berceau de l’athéisme et de la poésie… !

Lecture à la médiathèque l’ARCATURE

Sous l’égide du poète belge Werner Lambersy, La GRAPPE avait ouvert grandes
les portes et fenêtres de la médiathèque l’ARCATURE à Vaux-le-Pénil :

Si on ne peut pas donner rendez-vous au vent
on peut toujours laisser la fenêtre ouverte… !

Devant une mini foule d’ami(e)s et de passionné(e)s La Grappe
n’a pas lâché sa promesse de lectures à quatre voix,
dont l’audacieuse voix de Léa Jourdain comédienne.
Des lectures suivis de rencontres et autres agapes gustatives…
On reviendra c’est promis !

Les 4 lecteurs de La Grappe

Léa Jourdain – comédienne
Dominique Laronde
Colette Millet
Jean-Jacques Guéant

Hommage à Yves Bonnefoy

Hommage à Yves Bonnefoy décédé le 1er Juillet 2016

Yves Bonnefoy
Yves Bonnefoy

Nous avions enregistré une lecture-rencontre d’Yves Bonnefoy
avec Marc Blanchet au printemps 2011 dans le jardin du Musée départemental Stéphane Mallarmé à Vulaines en Seine (77870).

Dans le jardin en fleurs du Musée Mallarmé une cinquantaine de personnes ont pris place sous un vélum blanc où les chaises numérotées s’alignent autour d’un petit podium. Cinquante curieux passionnés et attentifs. Il fait beau, la température est propice.
L’introduction de Marc Blanchet est amicale et documentée pour célébrer la rencontre d’Yves Bonnefoy – 88 ans – sur les lieux où vécut le Prince des Poètes il y a un peu plus d’un siècle.
La sono (très) défaillante, capricieuse, ajoutera une tension d’écoute aussi exigeante qu’imprévue, et le vent printanier fera le reste : la voix profonde, caverneuse d’Yves Bonnefoy s’élèvera et flottera, évanescente avec le parfum suave des roses alentours.

Marc Blanchet introduit l’après-midi en évoquant l’exposition en cours du musée : Femmes de Mallarmé, qui présente divers objets reliés aux figures féminines qui ont accompagné le poète : éventails, dessins, gravures…etc.

La suite est dans Lecture-rencontre avec Yves Bonnefoy

En hommage au poète Yves Bonnefoy, décédé le 1er juillet 2016, voici une lecture qu’il réalisa, en 2002, pour un disque édité par Gaster Oprod / ERE Prod.
Désigné par le poète comme un apologue, « Les planches courbes » est issu du recueil éponyme qu’il publia, en 2001, aux éditions du Mercure de France :

Liminaire

Écrire c’est bondir hors des rangs des assassins.
Journal de Franz Kafka, 27 Janvier 1922

La douceur de cet automne
Nous invitait à retenir les mots
Qui frissonnent sous les fougères
Et à donner rendez-vous aux terrasses des arbres
Qui se défeuillent.

Beyrouth, Paris, Bamako, Tunis, Jos,
Amères vendanges !
La stupeur usurpe notre raison
Nous laissant sans voix
– tentation du silence solidaire…

Mais nous avons juré d’écrire
De bondir hors du rang des meurtriers 
De courir sur les brasiers du monde
Et publier les murmures du vent
Sur l’escarpe du temps …

PARTIR !

Notre dossier était alors en marche
Prêt au voyage, à toutes les partances
Avec ses poètes arracheurs de silence : Daniel, Jules, J.Jacques, J.Pierre, Atiq, Philippe, André, Céline, Sylvia, J.Christophe, Colette, Dominique, J.Michel, Léo, Patrice, Marie-Paule, Célia.

Une Grappe offrande pour clore une année sans pareille
Par-delà les frontières cruelles réelles imaginaires
Et le cycle des saisons fuyantes qui portent nos mémoires irréductibles.

Daniel Abel

Daniel Abel Poète, plasticien, (dessins, collages, sculptures) publié dans de nombreuses revues, confie certains de ses textes à La Grappe.


PARS

Pars
arrache-toi à tout bloc de silence
étreins à pleins bras la lumière
sois le fils du vent
l’enfant chéri de la tempête
mets en miettes ton passé
dresse en phare l’avenir

Pars
pratique la césure
d’avec les interdits les censures
brise tous les miroirs
invente des nids d’aigle au revers des paupières
capte la foudre ceinture de chasteté du tonnerre
renverse l’amphore où s’est blotti l’océan
emporte dans ton sillage
les forêts vierges de tout fer mutilant
sois le grand tamanoir la loutre joueuse le tapir
l’anaconda géant dans la mâchoire du caïman
sois avenir

Pars
sur l’aile de l’aurore boréale
avec les migrateurs
flèche vers le plus lointain ta voyance
prends le parti des condors contre les vautours
domine la mêlée des gladiateurs en l’arène
séduis les cariatides
sois vainqueur de tout seuil

Pars
chaque instant soleil ivre
roulant sur le flanc des collines
allant chercher sous les robes des cascades
jambes fuselées d’astérie
vente haletant de sirène
sexe d’étoile de mer.

Pars
vêtu d’oripeaux de magie
changeant de peau d’apparence
selon l’humeur du torrent
catapulté par les marées équinoxiales
vers les falaises
que tu désarçonnes
d’un coup d’épaule magistral

Auprès du cratère
qui éructe son trop plein
pars avec les strélitzias rouges au bec d’obsidienne
sois effervescence incandescence efflorescence
évade toi des asiles l’infini à ta boutonnière
toutes les galaxies en une perle de rosée du côté de ton cœur
sois la voie lactée en la gorge du serpent
la tempête sur la langue du fourmilier
comme la murène hors des madrépores
avance une tête tueuse
triomphe de la Gorgone de la Méduse
accomplis en riant
les mille travaux d’ Hercule
nettoie toutes les écuries des phraseurs
brise mille lances contre les cracheurs de morale
sois immortel dans la seconde
vêtu des habits d’opaline du grand large.


Exode par Dominique Laronde

MON EXODE (1940)

Le directeur d’école activait la manivelle essayant de démarrer la Citroën. Son épouse émergeait de la maison, encombrée de bagages.
Le vieillard se tenait à l’arrière du véhicule avec Linda la chienne.

Il fallait partir.
«  ILS ne sont pas loin, on entend la canonnade…
– C’est du côté de Charmes…ou de Bayon. »
Ma mère, postière, « réquisitionnée » par le gouvernement, mon père au front il avait été décidé que je partirais avec mon directeur d’école, son épouse, le vieillard, la chienne…Partir, vers le Sud.
«  Où ILS ne sont pas, du moins pas encore. »

Il me restait quelques minutes pour dire au revoir au paysage de mon enfance.
L’école des garçons, en face celle des filles, l’escalier de la mairie sur lequel la « Tribu » le soir se réunissait…
Nous regardions rêveusement les étoiles.
«  La Grande Ourse !
– La Petite Ourse.
– Les Gémeaux !
– Une filante !
– Vite, formuler un vœu, moi je veux être, plus tard…»

Il fallait partir.
Maman me serra contre elle :
«  Surtout prenez-en soin.
– Soyez sans crainte, comptez sur nous. »
Nous voilà bientôt pris dans la longue chenille des voitures de l’exode. En route vers le Sud. Où ILS ne sont pas.
Dans le Sud il y a la Ville blanche. Où l’on ne connaît pas la guerre, où l’on ne saurait mourir.
Les kilomètres se succèdent, par les hameaux, les campagnes… La nuit les pinceaux lumineux des phares tirent de l’obscurité une fantasmagorie, révélant des formes étranges, un bestiaire fabuleux… Mon imagination d’enfant vagabonde.
Nous dormons dans des granges de hasard au lever du jour les cheveux ébouriffés de paille nous nous livrons à une toilette sommaire.
Nous rejoignons la longue file de voitures. L’avance cahin-caha se poursuit, nous croisons des véhicules arrêtés sur le bas côté, capot soulevé, moteur fumant, le conducteur, penché sur le moteur, rajoutant de l’huile, de l’eau…
De hameau à hameau de village à village…
Partir.
Fuir.
On nous appelle « les réfugiés ».

Tout à coup un vrombissement dans le ciel, un terrifiant bruit de sirène.
«  Les stukas ! »
Vite, un abri de fortune, ornière, cabane, pan de mur…
Vite, le plus petit possible, invisible, indécelable…
La femme du directeur me précipite dans un fossé, elle se couche sur moi le directeur par dessus nous deux en ultime rempart…
«  Tac tac tac…» la mitraille, La lame de la faucheuse qui nous frôle, la mort qui passe, en talons hauts…
Le cauchemar terminé…
«  Papa ! Papa ! »
Le vieillard erre sur la route, hébété.
«  Linda ! Linda !»
La chienne blottie sous la voiture, poil hérissé toute tremblante…
Quand donc parviendrai-je à la Ville blanche ?

Enfin une bourgade du Sud. Une famille d’accueil, avec un fils, André, nous devenons aussitôt frères…
Une main de mère borde mon lit le soir, une seconde maman m’embrasse sur la joue.
«  Beaux rêves, mon petit ! »
Je rêve à la Ville blanche.
L’armistice signé, mon père nous rejoint, hâve, amer, en son uniforme d’artilleur.
«  Nous avons été trahis par nos chefs, nous ne disposions même pas du matériel adéquat… »
Il n’a qu’une idée en tête : trouver un passeur pour que ce dernier nous aide à franchir la ligne de démarcation qui sépare le Sud, la zone libre, où nous nous trouvons, de la zone occupée où réside la mère. Cartes étalées sur la table, palabres à la lueur de la lampe…
Un matin…
«  Bonne chance ! »
Le passeur en tête, le directeur avec deux valises, sa femme, le vieillard, Linda, la muselière, tenue en laisse… nous avançons dans la pénombre, enjambant des clôtures, côtoyant des marécages. Coassement des grenouilles, l’aile d’un oiseau de nuit nous effleure le visage… Le vieillard tousse, de façon répétitive. «  Chut ! Chut ! ». Courbés, silencieux comme des ombres.
«  Halte ! »
Des projecteurs sont braqués sur nous, des molosses montrent leurs crocs… Nous voici prisonniers. Pour un jour seulement car ILS nous relâchent non sans avoir…
«  Pas de prochaine fois n’est-ce pas sinon… »
Il en faut bien d’avantage pour décourager mon père.
Palabres sous la lampe, carte déployée, étude d’un itinéraire…
De nouveau par les sentiers embrumés, menés par le passeur, longeant des marécages… Cette fois, nous sommes passés, nous avons franchi la ligne de démarcation, nous voici en zone occupée…
«  Maman !
– Mon petit ! »

Il me faut retrouver…L’école des garçons, l’école des filles, la rue que nous empruntions, Hubert et moi, pour nous rendre à l’Avière près du lavoir à l’eau fluente, sur les galets une aria musicale…
Hubert, Philippe, Marianne, Françoise, Georgette… La Tribu ? Ses membres éparpillés dieu sait où… Nous nous étions promis, de toute notre foi naïve d’enfant….
«  Un pour tous tous pour un.
– Juré craché promis… »
Quand donc parviendrai-je à la Ville blanche ?

Jules Supervielle

Jules Supervielle naît à Montevideo en 1884 dans une famille originaire d’Oloron-Sainte-Marie. Orphelin à huit mois, il est élevé par son oncle et sa tante et fait ses études lycéennes et universitaires en France. Il voyage beaucoup et partage son existence entre Paris, où il s’installe en 1912, et l’Amérique latine où il s’est marié avec Pilar Saavedra en 1907. Après la guerre, il publie des poèmes remarqués par Gide et Mallarmé. Il ne cessera d’écrire romans et poésie. Ami de Henri Michaux et Paul Valéry, il est le poète de la nature, des animaux, des plantes et parvient à mêler passé et présent, perceptions quotidiennes et extraordinaires. Il compose sa poésie avec une apparente simplicité qui la rend proche de nous. En marge du surréalisme, il confie ses textes à la NRF et dans les revues dont Europe. En 1939 la guerre le surprend alors qu’il séjourne en Uruguay où il restera sept ans. Il revient en 1946 à Paris où il est nommé attaché culturel honoraire auprès de la légation d’Uruguay et continue son œuvre. En 1960, année de sa disparition, il est élu prince des poètes par ses pairs.


DÉPART

Un paquebot dans sa chaudière
Brûle les chaînes de la terre.

Mille émigrants sur les trois ponts
N’ont qu’un petit accordéon.

On hisse l’ancre, dans ses bras
Une sirène se débat

Et plonge en mer si offensée
Qu’elle ne se voit pas blessée.

Grandit la voix de l’Océan
Qui rend les désirs transparents.

Les mouettes font diligence
Pour qu’on avance, qu’on avance.

Le large monte à bord, pareil
A un aveugle aux yeux de sel.

Dans l’espace avide, il s’élève
Lentement au mât de misaine.

Gravitations – © Éditions GALLIMARD 1925


FAIRE PLACE

Disparais un instant, fais place au paysage,
Le jardin sera beau comme avant le déluge,
Sans hommes, le cactus redevient végétal,
Et tu n’as rien à voir aux racines qui cherchent
Ce qui t’échappera, même les yeux fermés.
Laisse l’herbe pousser en-dehors de ton songe
Et puis tu reviendras voir ce qui s’est passé.

Les amis inconnus © Éditions GALLIMARD 1934

Jean-Jacques Nuel

Jean-Jacques Nuel, auteur de poèmes, aphorismes, nouvelles, récits, se consacre à l’écriture de textes courts et à sa maison d’édition Le Pont du Change


LIGNE 60

La ligne de bus 60, après avoir accompli le tour complet de la ville, revenait à la station de départ qui se confondait avec son terminus. Comme aucun arrêt n’était prévu au long de son trajet, ni pour déposer ni pour prendre des voyageurs, la direction de la compagnie après un an d’exploitation avait jugé plus économique (et plus écologique) de laisser le bus stationné sur son emplacement réservé, moteur arrêté, dans la gare routière. Les passagers montaient dans l’autobus, validaient leurs tickets, les portes se fermaient à l’heure prévue du départ, soixante minutes s’écoulaient sur place (le temps habituel du parcours qui coïncidait avec le tour complet de la grande aiguille d’une montre), puis les portes s’ouvraient, les passagers descendaient tandis que d’autres usagers, attendant à l’arrêt, s’apprêtaient à les remplacer. Depuis ces nouvelles dispositions, le confort s’était beaucoup amélioré, de l’avis unanime des clients qui vantaient un trajet régulier et calme, sans bruit de moteur, sans coup de frein, sans secousse, sans trépidation. Satisfaction partagée par la compagnie : la ligne 60 était la plus rentable et la moins accidentogène de l’ensemble du réseau.


LA PREMIÈRE

Cela fait plus de trois siècles que la pièce de théâtre est en répétition. Les metteurs en scène, les machinistes et les accessoiristes se succèdent ; les comédiens vieillissent, meurent et sont remplacés. Tous les vingt ans, on renouvelle le décor qui ne se trouve plus au goût du jour. Le théâtre de l’Ombre, où se prépare le spectacle, a déménagé plusieurs fois au gré des transformations de la capitale – mais il garde encore le nom de la troupe d’origine, qui obtint ses lettres patentes du roi Louis XIV en 1687.
De ces longues répétitions derrière les portes fermées, seul a filtré le titre de la pièce, L’inconstance et l’Illusion, dont l’auteur, peut-être connu à l’époque classique, n’est pas passé à la postérité. La date de la première, maintes fois annoncée, est sans cesse reportée car, de l’avis unanime de la troupe, il reste encore beaucoup de travail à accomplir avant de donner une représentation qui puisse plaire au roi.

Jean-Pierre Boulic

Jean-Pierre Boulic, poète vivant en Bretagne, a publié de nombreux recueils.


S’EN ALLER

C’est une pauvre sente
De glaise et passereaux
Où le ciel vient dresser
Un bouquet de nuages
Les genêts éclaboussent
De toute leur lumière
Et mon désir se creuse
La terre est si légère
Je ne sais où j’en suis
J’ignore le chemin
Je pense qu’on le trace
Au fur et à mesure
Vers toi tu veux que j’aille
Parole inaperçue
Je crois que tu façonnes
À la brise légère
Un secret que tu donnes
En langage d’amour
Ce que tu fais de moi
Allant je ne sais où.

Atiq Rahimi

Né à Kaboul, Atiq Rahimi a reçu le prix Goncourt 2008, réside à Paris, rencontré au Festival des Étonnants Voyageurs.


UN CONTE

Retranscrit de l’émission de France-Culture du 25 septembre 2015

C’est une histoire du VIIIème siècle.

Lors de la conquête musulmane les adorateurs zoroastriens sont chassés de leurs terres, s’exilent en Inde où leur chef est accueilli par le souverain Indien tenant dans les mains un bol de riz rempli à ras bord et qui lui dit :

« Mon honorable hôte, toi et les tiens êtes les bienvenus sur notre terre. Mais je ne peux malheureusement vous donner l’asile. Ma terre ressemble à ce bol, une goutte de plus, il débordera »

Le sage mazdéen sort de sa poche une poignée de sucre et la verse dans le bol lentement. Aucune goutte ne déborde.

« Ne craignez rien, Maharajah, nous sommes comme du sucre, nous nous dissoudrons en vous sans vous combler… »

« … et vous nous donnerez en plus toute votre douceur »

constate le souverain, leur offrant l’asile.

Philippe Monneveux

Philippe Monneveux Agronome de formation, a publié dans des revues françaises et mexicaines en version bilingue. Vit au Pérou en attente de départ vers un autre pays d’Amérique latine.


CHERCHER PLUS LOIN

chercher le bout des chaînes
ou celui d’un chemin où s’enferment nos pas
chercher
mâture haute
gréement serré
l’étoile-mère de nos veines

et l’ange blanc peut bien se taire
car le secret
une fois saisi
par d’humides regards amoureux d’herbes inconnues
ou par les mots qui passent
d’inattendues rencontres en rendez-vous étroits
l’on peut partir bien loin
pour délier les nœuds du froid
et rassembler les fruits
échappés comme étoiles d’une enclume d’argent
dans les nuits claires d’innombrables printemps


LES NOMADES

Les nomades se croisent, puis leur ombre s’évanouit dans un soupir du temps.
La soif est longue, l’exil est un désert et l’arbre est sans racine.
Les sables sont les pailles d’or de rêves sans repos.
La mémoire est parfum d’un lieu
et la source
arrachement ou cicatrice.


IMMINENCES DU PARTIR

Dans le temps, sur les feuilles, dans le sillon qui se déchire et le creux de la main, il y a les lueurs du hasard, le bruit des ailes du couchant, la vague que l’on porte, la voix étouffée, la glace qui tremble dans l’air libre et puis la flamme qui danse sur les rebords du temps. Paysages confus des réminiscences, coquelicots que le vent a cueillis, simples caresses au fond de la mémoire, fil brûlé des souvenirs qui meurent.

Partir. La distance est parsemée d’étoiles, la lueur des signaux dans la nuit tombée se mêle à la clarté à peine visible de la voûte. Partir. La nuit, manteau tremblant brodé par la lumière, les étincelles d’or qui crépitent au couchant, les perles du levant, les yeux percés par les rayons brûlants. Partir. Les feuilles tremblent. Encore quelques instants. C’est le jour qui attend, le vent qui se déploie et la voix qui appelle la première étincelle, le soleil qui s’arrête au volet, l’ombre qui traîne en attendant on ne sait quoi : un regard en arrière ou bien l’eau du printemps…

L’aile se met à battre, la grille tourne, la porte tranche les mots et l’horizon enfin s’ouvre d’un geste. Au loin la foule passe et le monde s’efface. L’enfant en nous s’étonne. Ses yeux sont deux minces lueurs qui se glissent entre ces gens venus d’ailleurs. A travers les détours, l’espace grandit, le rêve éclate au jour, voyage dans le bleu du ciel ou le noir de l’orage, spectacle changeant au moindre mouvement. Inconnu merveilleux dont notre vie se pare à travers l’eau et les ornières.


L’AUDACE DANS LE SILENCE DE LA NUIT

Chacun apporte sa rigide misère, le secret de ses peurs, et le frisson qui le parcourt. Marche forcée poussant nos pas sans les connaître.

L’autre vue, c’est s’arrêter un rien, car la patience est en question et l’heure exacte, vérité passagère. S’appliquer au silence qui enflamme les lèvres, aimer à se saisir et parvenir à se surprendre, jouir du refus, tuer l’hésitation, apprendre à lire sur des traits inconnus et croire pour toujours à l’avenir des mers. En perdant la prudence, s’en retourner une autre fois où l’on n’a pas su être, et recueillir la flamme aux mains de l’imprévu.

L’air s’éloigne de la tête et des épaules quand les sillons cherchent l’audace dans le silence de la nuit.


REGARD VRAI

Ces vieux murs ne t’appartiennent plus. Tu as soif de fuir hors des passages engourdis, et de tenter des jours troublés et imprévus, de jeter plus loin ton ombre, bien au-delà des méprises élogieuses, pour ce lieu, d’abord, du dialogue des miroirs et de la variété de ses apparitions, phénomènes aux issues incertaines.
Il faut alors taire pour un temps encore tes cris que tu croyais faits pour être entendus, car rien ne presse dans la lente ascension des crêtes de la solitude.

De là tu saisiras enfin la forme vraie du jour.
Le soleil, la lune et les étoiles, tous ensemble mélangés, convergeront vers ton regard.
Tu contempleras enfin ton propre présent, accumulé, et les deux points, du commencement et de sa fin.

André Duprat

André Duprat poète publié chez plusieurs éditeurs, reste fidèle à La Grappe pour lui confier ses inédits.


LA PARTANCE REVENUE

Partir certes
Mais repartir

Repartir du bon pied
Encore faut-il la moelle
Au propre comme au figuré

Partir certes
Mais repartir

Encore faut-il un quai
Et un train à point d’heure
Pour s’éprendre d’une ligne du dedans
Destination : qui-vive…

Partir pour partir
N’est-ce pas un défi
Advenu avant terme

Partir pour partir
N’est-ce pas une lubie
Activée par un manque

Partir pour partir
N’est-ce pas un vertige
Annoncé sur un plan

Partir pour partir
N’est-ce pas un détour
Avancé pour la route

Partir au premier acte
Revenir au second
Comme une pièce attachée
Au moteur d’origine

Partir chemise ouverte
Revenir en cravate
Et voir dans ce retour
Les effets prolongés
D’une distance soumise
A une volonté propre

Et moi je suis parti
L’émoi en bandoulière
Revenant sans le pas
Mais avec un chemin

Le départ d’un partir me revenant
Comme un fantôme à sa lessive
Un haut-le-cœur magistral
Une hésitation suffocante
Une aigreur insoumise
Aussi un aller-retour
Un peu bègue aux arrêts

Le départ d’un partir me revenant
Comme un bagage perdu
Larmes et mouchoir compris
Est-ce pour autant un destin promis
Est-ce pour autant un destin promu
Ou n’est-ce qu’un mirage
Puits de l’eau à la bouche


Où es-tu partie
Tu es encore dans la lune
Tu voyages hors sol
Comme accaparée du dedans
Ton apesanteur nous pèse
Fardeau sans voix ni choix
Tu n’es plus présence précise
Voire encore moins regardante
Tu respires l’ailleurs
Auquel je ne crois pas
Tu demeures reposée
Comme l’interrogation soumise
Où es-tu présente
Comme tu ne vibres plus avec nous
Où, où, où… Maman


Partir
Dans le sifflement d’un train de nuit
Et ne descendre qu’après un sommeil pauvre
Dans une gare qui se présente
Par l’accent d’une annonce

Les pieds dans les mégots
Avaler le café d’amertume
Comme on joue l’avenir au fond d’une tasse
Et entendre nom et prénom déposés sur l’épaule
Dans l’amorce d’un recul

Et savoir que la liberté
Poursuit son chemin de faire
Sans crier gare

Partir
Dans les cendres accélérées
Du soupir ultime
Que la main d’amour dispersera
Dans la nuit d’étang

Et passer de rus en ruisseaux
De rivières en fleuve d’océan
Et revenir dans la nano particule
D’une goutte de pluie d’orage
Ainsi ira l’éternité d’un terre-à-terre

Il y a partir et partir
Mais ceux qui partent pour survivre
Donnent du courage au mot partir

Ainsi mon frère le réfugié
Socle de sable entre deux balles
Ainsi ma sœur la réfugiée
Salve de fleurs entre deux bombes

Il y a partir et partir
Mais si erre l’être en partance
Sa cause au fond est entendue

Saint-Junien le 7/10/2015

Céline Letournel

Céline Letournel partage sa vie entre écriture et vidéo, auteur d’un roman Pas Perdus éd Prem’Edit77.


HAMNOYA

     Sur le fil à linge flottait sa chemise. La dernière qu’il ait portée. Celle qui restait dans le panier à linge ce matin. Encore imprégnée de son odeur. Elle avait longuement hésité, mais elle ne pouvait pas la laisser. Elle devait faire ce qu’elle avait toujours fait, ce qu’on attendait d’elle, ce qu’il avait toujours attendu d’elle.
     Au loin, les nuages de l’ondée passée continuaient à s’éloigner. Ils ne menaçaient plus l’île désormais. La journée serait belle.
     Elle portait son tablier lavé, usé, délavé, qu’elle avait toujours porté, et s’affairait comme à son habitude. Elle s’affairait comme elle l’avait toujours fait, elle ne savait pas faire autrement. Aujourd’hui était un jour presque ordinaire. Sa chemise flottait au vent.
     Elle s’assit un instant sur le banc de pierre et la regarda onduler, puis claquer comme une voile de bateau. Lentement, le vent la remplit de sa force, d’une énergie tranquille et indolente. Elle, se laissait immergée par le spectacle, ce clin d’œil improbable de la nature.
     Brusquement, elle se leva et rentra dans la maison. Elle avait entendu le cliquetis de la serrure. Elle croyait l’avoir entendu entrer. D’un regard, elle balaya la salle de séjour, puis monta à l’étage. Elle pensait bien l’avoir entendu entrer. Après tout, cela ne lui semblait pas impossible. Pas si impossible. Sa chemise flottait dans le jardin. Elle l’apercevait de la fenêtre de la chambre. Elle tournoyait à présent. Le vent, un instant, fut si fort ! Elle crut la voir disparaître. Le fil à linge se tendait et se détendait en des mouvements brutaux et saccadés. Mais elle tenait bon.

Dessin Brigitte Daillant

     Elle aurait voulu s’étendre. Elle soupira. Elle avait tant à faire. Aujourd’hui était un jour comme les autres. Comme les jours passés. Comme les jours à venir. Elle avait tant à faire. Elle aurait voulu s’étendre, mais elle se releva.
     Le soleil traversait la fenêtre, rayonnait dans la chambre et embrasait la tapisserie sur le mur en face. La journée serait belle. Le linge sècherait vite. Elle aimait l’odeur du linge qui séchait au soleil. C’était une odeur de sérénité. C’était l’odeur de la sérénité. Le linge était propre et sec. Tout allait bien. C’était une journée presque ordinaire. Le linge sècherait vite et elle le replierait avant que le soleil se couche derrière la montagne noire, qui se reflèterait alors dans la mer, puis rapidement envelopperait toute l’île dans une obscurité silencieuse et immobile.
     Elle n’aimait ni le silence ni l’immobilité. Elle ne pouvait pas rester sans rien faire. Pourtant, elle se surprit plusieurs fois ce jour-là, à avoir envie de s’asseoir. S’asseoir, simplement, face à la chemise qui flottait au vent, et la regarder se débattre, s’étendre, se recroqueviller. La regarder vivre malgré elle, suspendue, ne tenant qu’à un fil. Mais vivre. Elle voyait son ombre se mouvoir, se déplacer. Elle la voyait, et elle savait qu’une ombre ne ment pas. Une ombre se projette, s’applique, se déforme. Une ombre raconte ce qui lui arrive. Et celle-ci tint bon la journée durant.
     C’était un jour presque ordinaire. Sa chemise flottait dans les airs. Elle n’aimait ni le silence ni l’immobilité, pourtant elle se retint ce jour-là plusieurs fois de l’immobiliser. Cette chemise qui claquait comme la voile d’un bateau et se gonflait de tant de vie que cela en était blessant. Tellement improbable que cela en était blessant.

Dessin Brigitte Daillant

     Le linge séchait vite livré au soleil et au vent du large qui accompagnait la marée. Quand elle ne s’affairait pas, elle le respirait. Il séchait vite, mais elle le laissa suspendu au dessus du jardin, pour que les voisins voient sa chemise. Sa chemise comme un drapeau qui s’étendait fièrement. Un drapeau qui claquait un jour de cérémonie.
     Le linge sécha vite, mais elle attendit que le soleil commence à s’éteindre et que la rosée s’annonce pour le ramasser. Le vent était retombé. La chemise ne semblait plus suspendue, mais inerte, errante.
     Elle aurait voulu pleurer. Quelques larmes, tout au plus, qu’elle aurait essuyées dans son tablier. Son tablier lavé, usé, délavé. Elle aurait voulu pleurer, mais elle avait peur, peur de ne pas pouvoir s’arrêter.
     Elle respira la chemise qui ne flottait plus dans les airs, et elle y retrouva un petit peu de son odeur. Il aurait bien ri s’il l’avait vue. Elle rangea la chemise dans la corbeille à linge et rentra dans la maison.
     Il fallut allumer la lumière. Il était plus tard que d’habitude. Elle n’avait pas encore commencé à préparer le repas. C’était un jour presque ordinaire, et pourtant, il était plus tard que d’habitude. Il fallait peler les légumes et laisser mijoter la viande. Il aimait le ragoût de mouton. Il fallait peler les légumes et laisser mijoter la viande, mais elle emporta la corbeille à linge dans la salle de séjour. Doucement, elle boutonna la chemise, lissa le col, les manches et la plia avec soin. Elle la lissa, la caressa, redressa le col, la lissa encore, l’embrassa, et d’une larme brève, la mouilla.

     C’était un jour presque comme les autres. Un jour ordinaire. C’était la nuit dehors. La nuit silencieuse et immobile que promettait la montagne noire.

Dessin Brigitte Daillant

     C’était un jour presque comme les autres, mais elle n’avait pas encore fermé les volets. Elle n’avait pas vu la nuit tomber. Elle avait allumé la lumière de chaque pièce. Elle voulait croire que la nuit n’était pas tombée.
     De la fenêtre de l’étage, on apercevait l’horizon. Par delà la mer, on discernait la côte voisine qui scintillait. Les jours ordinaires, elle ne voyait pas la ville de l’autre côté de la mer. Les jours ordinaires, les volets étaient fermés avant que les lumières s’allument dans la ville de l’autre côté de la mer. Les jours ordinaires, elle n’imaginait même pas qu’il y avait une ville de l’autre côté de la mer, elle ne la voyait pas de la fenêtre de sa chambre.
     C’était un jour presque ordinaire. Elle ne ferma pas le volet de la chambre. Elle ouvrit l’armoire, et sur l’étagère vide, elle déposa sa chemise.